Liberté d’expression, la censure et la propagande: la télévision russe aujourd’hui

Discours prononcé au Cercle Gaulois, Bruxelles le 7 juin 2019

 

Nous, les Occidentaux d’un côté et les Russes de l’autre, vivons dans des mondes bien séparés et parallèles.

 

Ici, en Belgique et plus généralement en Europe, les téléspectateurs d’ “Euro News” ont principalement été informé ces deux dernières années des nouvelles et des  spéculations concernant le Brexit quasiment à l’exclusion d’autres actualités.

En Russie la dose quotidienne de programmes d‘actualités’ depuis un ans est principalement dédiée aux risques de guerre et préparatifs pour la guerre.

Les chaînes de télévision russes montrent chaque jour le lancement des nouveaux bateaux sousmarins, le vol en formation des avions de chasse de cinquième génération– le SU 57, la visite de Vladimir Poutine aux usines de fabrication militaire et son discours devant les ouvriers et gérants, l’expansion des bases militaires dans la sud du pays pour mieux protéger la Crimée et le littoral de la Mer Noire, les manoeuvres militaires seuls ou avec partenaires comme la Chine.

Ici en Belgique on ignore les mouvements des forces de l’OTAN sauf s’ils bloquent les routes dans l’est d’Allemagne ou en Pologne et créent des nuisances pour les populations civiles.

Bien entendu, si vous êtes russe et que vous regardez les attaques simulées des armées de l’OTAN contre l’enclave de Kaliningrad, situé entre la Lettonie et la Pologne, cela attire votre attention.

Un événement comparable pour nous serait des exercices militaires russes dans la région de Francfort faisant des préparatifs pour une invasion simulée de la province du Luxembourg ou de l’enclave germanophone d’Eiffel.  Sûrement, cela attirerait l’attention de la RTBF!

 

En Russie, les talk-shows sur les ondes publiques n’ont aujourd’hui qu’un thème: les derniers développements politiques et militaires en Ukraine, un pays présenté comme en crise permanent, avec l’attente d’une faillite et d’une misère totale. Chaque jour on voit à l’écran des images d’échanges d’obus de l’artillerie dans le Donbass, des interviews avec la pauvre population civile près des lignes de combats à Donetsk et Lugansk.

Il ne faut pas être un grand intellectuel pour comprendre le sens d’une telle programmation. Il y a quelques semaines, lors de ma visite à la maison de campagne que nous possédons en Russie, au sud de Saint-Pétersbourg, notre voisin, un plombier, se demandait pourquoi la télévision montre toujours la situation en Ukraine et ignore les problèmes quotidiens des russes. Je reviendrais sur cette question plus tard ce soir pour préciser pourquoi propaganda est devenue la norme dans les médias électroniques russes.

Les choses évoluent partout avec le temps. Ce soir je vais vous montrer la liberté d’expression à la television russe à deux moments différents qui ont eu lieu récemment: en 2016 – 2017, lorsque j’ai pris part à des talk shows sur plusieurs chaînes nationales dans des émissions déstinés à la population russe; et en printemps 2018 lors de la campagne présidentielle russe lorsque j’ai regardé la situation dans les médias russes à distance. Pour illustrer notre discussion je vais vous montrer quelques passages vidéos prises de ces émissions russes. Je  terminerai ce discours par une tentative d’explication sur pourquoi selon moi, la situation a empiré l’année passée.

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Tout d’abord je dois vous dire un mot sur les “talk shows” politiques. C’est un genre très répandu en Russie sur toutes les chaînes nationales, les chaînes d’état comme les chaînes privées.  D’habitude ces émissions sont diffusés le soir, lors de “prime time,” quand Monsieur est rentré de son travail et a terminé son repas. Mais depuis quelques années, par considération pour les téléspectateurs d’après-midi qui ne sont pas seulement des mamans et des pensionnés, mais également des indépendants qui régardent les émissions sur leurs lieux de travail, on les diffusent à partir de midi et les talk shows peuvent être trouvés sur la télé russe 12 heures sur 24.

Ils sont presque tous diffusés en direct. Mais puisque la Russie est le plus grand pays du monde et compte 11 zones horaires de Kaliningrad dans l’Ouest jusqu’au Kamchatka dans l’Est, cela est plus compliqué qu’il n’y paraît. Midi dans le studio à Moscou c’est 19.00 heures à Vladivostok. Il y a des talk shows qui sont diffusés en direct vers Vladivostok et les pré-enregistrements sont rediffusés à toutes les autres zones horaires, une après l’autre avec le décalage adapté. D’autres talk shows sont diffusés en directe à Moscou et rediffusés aux autres zones horaires. Pour l’étranger on les diffuse via satellite à l’heure de Moscou. C’est ainsi qu’à Bruxelles je peux capter les principaux talk shows russes via mon antenne parabolique.

Il faut souligner que chaque émission enregistrée est re-diffusée sans coupures ou rédaction. Ensuite les émissions sont mis en ligne, très souvent en utilisant youtube.com.  Pour ceux que cela interesse, les émissions sont destinées au public russophone, sans traduction, ni titres.

Je vous rapelle que ce soir nous parlons du degré de liberté d’expression et/ou de censure dans les médias électroniques russes. Et pourtant les méthodes de production et diffusion sont restées inchangées sur la période 2016-2019. Pas de coupures. Diffusion directe.

Pour comprendre ce que cela signifie, il faut savoir que les talk shows, interviews et programmes similaires aux Etats Unis sont toujours pré-enregistrés et subissent un grand processus de filtrage et réduction.  Un ami à New York, professeur d’histoire avec une certaine notoriété, et qui est de temps en temps invité aux débats ou interviewé seul m’a expliqué que pour une émission sur CNN ne seront pris en compte des 50 minutes d’interview, que 2 ou 3 minutes. Les monteurs choisissent soigneusement ce qui’ils préfèrent entendre.  Alors, où se trouve la censure?  Autrement dit, le problème avec la télévision russe d’aujourd’hui est plutôt au niveau de la matière traitée, et non pas de censure dans le sens stricte.

Mais me répondez-vous, les participants à ces talk shows russes sont sélectionnés pour éviter toute possibilité de faux pas, donc – c’est de la censure.  Non, c’est beaucoup plus nuancé, je dis.

En 2016 quand je faisait mes débuts sur les talk shows russes, j’ai pu constater la présence obligatoire des “enemis” et l’exclusion des “amis” parmi le quart de participants qui sont étrangers. Aujourd’hui en 2019 c’est à nouveau le cas: c’est presque exclusivement des enemis qui sont présent parmi les étrangers.

Il y avait et il y a maintenant des raisons très claires pour cela. Premièrement, les talk shows ont deux facettes: ils traitent des actualités du jour et ils sont un divertissement durant lequel il faut un duel. S’ils présentaient uniquement des gens qui récitent la ligne du Kremlin, cela devient très vite ennuyant, avec risque de perdre des téléspectateurs.

Les russes aiment beaucoup les combats sans règles seul à seul, comme la boxe, comme les arts martiaux venus de l’Orient. Ils aiment aussi les joutes verbales. Les talk shows télévisés montrent chaque jour des spectacles féroces entre les défenseurs de la ligne du Kremlin et des opposants. Une bonne partie des invités-opposants sont des étrangers installés longtemps en Russie– des Polonais, des Ukrainiens et des américains.

Vous serez peut-être étonnés parce que dans les émissions sur RT, les invités sont tous de grands amis de la Russie.  Mais la chaîne RT est produite pour nous les belges, les britaniques, les allemands vivant à l’étranger.  Pour les russes mêmes, en Russie, les étrangers participants dans les talks shows étaient en 2016 et sont maintenant, de manière caricaturale, de grands méchants.

Le journaliste David Filipov du Washington Post, dont j’ai fait la connaissance dans les pauses d’un talk show a écrit plus tard que c’est une espèce de propagande de les présenter comme les imbéciles de l’Ouest. Cela démontre que le monde est contre la Russie, qu’il faut se défendre et se rallier autour du pouvoir.

Le problème avec ce raisonnement, c’est que les étrangers invités ne se montrent pas tous comme des imbéciles. Ils maîtrisent pour la plupart très bien la russe. Ils sont soit des émigrés du temps de l’Union Soviétique vivant dans le diaspora, ou des non-russes comme M. Filipov, qui réside en Russie depuis des décénnies pour des raisons professionnelles.

Le plus charmant, celui qui est le plus invité de tous les étrangers sur les talk shows était et reste un américain, un certain Michael Bohm, qui vit à Moscou plus que 25 ans. Il est marié deux fois là-bas, et il a récemment demandé la nationalité russe. Il était établi au départ comme journaliste, mal-payé dans le journal anglophone The Moscow Times. Grâce à ses contrats comme conférencier dans les talk shows de plusieurs châines russes, il est maintenant mieux payé que certains hommes d’affaires à Moscou.

La popularité de M. Bohm est telle parce qu’il joue bien l’américain méchant qui répond à chaque question avec la ligne du Pentagon ou CIA. Mais il est linquiste de haut vol et il réussit à faire des répliques en utilisant le folklore et vocabulaire de la Russie profonde, ce qui amuse beaucoup les spectateurs.  Dans quelques instants je vais vous montrer M. Bohm dans une émission ou j’étais aussi participant.

Et si les invités de l’Occident ne sont pas des imbéciles, ils ont la possibilité d’exprimer des points de vue en contradiction directe avec les propos du Kremlin.  Ainsi, la population russe est exposé aux arguments des “adversaires” –  beaucoup plus que nous dans l’Occident sommes exposés aux arguments des russes dans nos médias électroniques.

Alors qui sont les panélistes russes dans les talk shows?  Ils représentent un mélange des législateurs de Duma et de la chambre supérieure, des professeurs d’universités et directeurs de think tanks. Ils sont pour la plupart membres du parti du pouvoir, la Russie Unie, bien sûr, mais aussi des partis d’opposition, et même des partis miniscules. Gennady Zyuganov, leader des Communistes y participe de temps en temps.  Vladimir Zhirinovsky, leader du parti ultra-nationaliste LDPR est un participant très fréquent. Il faut savoir que l’opposition en Russie ne constitue une opposition au Poutine, au gouvernement que dans le domaine de politique domestique – c’est-à-dire les priorités budgétaires, les réformes dans le système d’éducation, les soins medicaux, etc.  En ce qui concerne politique étrangère ils sont tous “patriotiques” – alignés avec Poutine et le parti de pouvoir.

Comment me suis-je retrouvé parmi les invités, si je suis ‘étranger’ et pas méchant envers la Russie?  C’est une question de conjuncture ponctuelle qui commença avec la campagne éléctorale de 2016 en Amérique et termina juste après l’inauguration de Donald Trump en janvier 2017.  Durant cette période, les autorités russes ne savaient pas comment interpréter les développements politiques aux Etats-Unis. A mon avis, et contre toutes les théories courantes à Washington de collusion entre Trump et Poutine, l’entourage de Poutine était divisé sur la question de savoir quel candidat serait mieux pour la Russie – l’élection de la démone bien connue, comme ils disaient, Hilary Clinton, ou l’élection de l’amateur en politique, le très volatil Donald Trump.  C’est pour cette raison qu’on a invité à prendre part dans les talk shows des personnes d’avis neutre et/ou positif envers Trump, comme moi.

La population de participants dans les talk shows en générale est très petite. La plupart vivent à Moscou.

On peut se demander comment j’ai rejoint cette poignée des étrangers?  C’est une question de la chance.  J’ai fait la connaissance ici à Bruxelles d’un des grands conférenciers de la télévision russe, un certain Yevgeni Popov en avril 2016 dans une grande salle de réunion du bâtiment du Parlement Européen. Nous tous ont dû assister à la projection d’un film documentaire de grande importance politique pour la Russie. La projection était annulée au dernier moment à cause de l’intervention des opposants au plus haut niveau de la Commission. Nous étions 12 personnes dans une salle pour 200. Yevgeny me demanda de faire un commentaire en russe sur l’annulation. Son équipe a bien enregistré mon petit interview et Yevgeny était content. Deux semaines plus tard il m’invitait venir à Moscou pour participer dans son talk show “Envoyé spécial,” sur la chaîne des actualités Rossiya-1. Très vite j’ai reçu des invitations d’autres chaînes à Moscou, qui sont en chasse permanente de “viande fraiche.” Comme Popov, ils étaient prêt à m’offrir billet d’avion allez-retour Bruxelles-Moscou, en classe économique, bien entendu.

J’ai ainsi participé sur cinque chaînes différentes une ou plusieurs fois. C’était très interessant, pas tellement pour l’opportunité de dire quelque chose de non-standard devant un public de millions de russes.  Franchement, mon temps devant le micro sur chaque show était entre une minute et dix minutes en tout.

Comme nouvelle personne, comme étranger qui parle tout en étant pas un natif, j’ai profité d’une certaine indulgence des modérateurs. On m’a permit de terminer mes phrases sans m’interrompre ou me contredire, une luxe de laquelle les “natifs” ou habitués n’avaient pas.

Cette expérience m’a permit de mieux comprendre de l’intérieur comment les talk shows fonctionnent, qui est qui, à quel point les modérateurs sont libres, à quel point sont-ils les poupées de fontionnaires supérieures qui leur soufflent à l’oreille via des écouteurs-boutons ce qu’il faut demander, ce qu’il faut dire.

Voici les conclusions que j’en tire:  les restrictions imposées aux modérateurs sont très variables et beaucoup dépende de l’autorité du conférencier et de la politique de chaque chaîne ou groupe de production à part. Il n’y a en tout cas personne de Kremlin qui donne le scénario.

 

Nous allons maintenant regarder quelques courts extraits des talks shows. La première émission, du 20 octobre 2016 est du meilleur show de ce genre, “Le soir avec Vladimir Soloviev.” Soloviev est un proche de Poutine. Il l’a interviewé plusieurs fois et il a fait un film de campagne éléctorale. Aujourd’hui il est aussi modérateur d’une émission hebdomadaire intitulée “Moscou, Poutine, le Kremlin” – le titre parle pour soi.  Le mois précédant j’étais sur son show – pour 2 minutes, pour lequel j’ai dû voyager toute une journée. Mais l’expérience en valait la peine.

  1. https://www.youtube.com/watch?v=rXA0gZBqeRw

00.00 – 00.35

 

Soloviev 20 octobre 2016

 

  1. https://www.youtube.com/watch?v=xejLyhkjqek&list=PLAe6Au-aKEc9TYn9Gdyqn3aivM4qMwAaE&index=1

03.00 – 05.20

 

Vremya pokazhet  (L’avenir nous le dira) –  20 janvier 2017  je suis là. Le sujet est l’inauguration de Donald Trump plus tard le même jour. On me donne le micro et je dis exactement ce que je viens de vous expliquer concernant la pratique traditionelle des chaînes russes de n’inviter que les américains méchants en disant qu’ils seuls représentent le Washington officiel, l’interlocateur unique du gouvernement russe. Notez que M. Bohm est assis en face de moi. Je dis que maintenant nous le people américain ont un président qui rompe avec la politique hostile envers la Russie. Dommage, car je me suis trompé!   .

 

  1. Encore Vremya pokazhet du 23 janvier 2017.   On discute les circonstances de l’inauguration – les manifestations féministes contre Trump, etc.. Je suis là avec les collègues Michael Bohm, David Filippov du Washington Post.

 

https://www.youtube.com/watch?v=7D9f4cLVdZU&nbsp=

 

13.20 – 14.40

 

 

  1. Un peu plus tard, début février 2017 je suis encore la saveur préférée de la saison et reçoit l’invitation à participer dans les débats d’un talk show basé en Saint Pétersbourg. Cette fois il y a un split screen pour montrer également les participants à distance. Dans le cas j’étais sur ligne avec skype pour ma première intervention sur “Studio Ouverte”, Pyaty Kanal, le 2 février 2017. Notez que c’était bien un talk show “low budget”.  La question du jour concernait l’OTAN et les craintes de l’OTAn          Otkrytaya studia «Чего боится НАТО?»

https://www.youtube.com/watch?v=ByWQbHoUYKY

09.15  – 09.45

  1. Deux semaines plus tard, j’étais à Saint Pétersbourg pour raisons personnelles, et je fus invité à me rendre au studio du Pyaty Kanal pour une émission concernant l’Ukraine.. Le prix à payer pour eux était assez faible – les frais d’un taxi pour le trajet entre mon appartement dans le banlieue et le studio.

Cet épisode clôture ma période de participation directe dans les talk shows russes.

“Ограбление по-украински» Открытая студия 16.02.2017

A noter:  sur le split screen avec Moscou – un analyste assez jeune mais bien connu M. Delyagin

https://www.youtube.com/watch?v=A55CP4Dzs5o&t=4s

11.20 – 12.14

 

 

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La deuxième période que je présente ce soir, c’est le mois avant les éléctions présidentielles russes le 18 mars 2018. Selon les règles de jeu, chaque candidat a reçu un certain nombre d’heures guatuites sur les ondes publiques, télévision et radio pour diffuser ses messages aux élécteurs. Et en supplément, ils ont été invites aux débats télévisés sur les chaînes nationales, chaque jour pour presque deux semaines..

J’ai suivi très attentivement les débats d’ici en Belgique une partie du temps. Par ailleurs j’ai regardé la télé dans ma chambre d’hôtel à Moscou et en Crimée les jours juste avant et après le 18 mars quand je me suis rendu en Russie en qualité d’observateur international du scrutin. Mais, il était aussi possible de regarder les débats quand et où on voulait, parce que ils étaient tous postés sur l’internet directement après les émissions “live.”

 

Le format et les heures de diffusion dépendaient des directeurs des chaînes. Je vais vous montrer deux passages de ces émissions de débats. Sur la chaîne Pervy Kanal on a donné à chaque candidat une allocation de six minutes dans chaque émission:  deux minutes pour présenter sa position sur la thématique du jour, par exemple, le développement des régions de la Russie; deux minutes pour répondre à une question spécifique adressé par le modérateur, et deux minutes pour ses conclusions.

 

Vous trouverez que les modérateurs sont…les mêmes conférenciers que nous avons vu dans les talk shows ordinaires.  Et exceptionellement l’un entre eux, M. Vladimir Solovyov, ne se permet d’agir pas comme simple chronomêtreur mais comme interlocateur en conversation libre avec les candidats.

Je voudrais souligner que le mois avant le scrutin présidentiel russe était sans doute la période de la plus grande liberté d’expression sur la télévision russe depuis 25 ans ou même plus. Même les observateurs de l’OSCE dans leur rapport après le vote l’ont confirmé avec deux qualifications que je vais vous communiquer dans quelques minutes.  Ça veut dire que s’il y a une réstriction ou suppression de liberté de presse en Russie depuis l’accession en pouvoir de M. Poutine, comme insiste la grande majorité de nos politiciens et médias ici en Europe et en Amérique, les réstrictions n’ont pas évolé dans une ligne droite. Pas de tout.

Deuxième remarque:  la participation des partis russes dans les débats télévisés était énormement plus généreuse et, j’ose dire démocratique que chez nous, en Belgique ou aux Etats-Unis. Chaque parti qui satisfait aux conditions d’enregistrement pour le scrutin avait une place dans les débats, même partis qui ne comptent pas plus qu’un pourcent des élécteurs éventuels.  C’est comme si M. Mondrikamen du Parti Populaire était invité à prendre place à coté d’Olivier Maingain sur les ondes publiques en Belgique, ou si le candidat des Greens aux Etats-Unis Jill Stein figurait à coté de Donald Trump et Hilary Clinton dans les débats présidentiels en outre-mer en automne 2016..

 

Les candidats et ses représentatives ont critiqué à la télévision tous et tout qu’ils voulaient, sans mincer leurs mots; ils ont pu faire des promesses les plus extravagantes s’ils étaient élus sans peur d’être punis. Leurs comportements envers les autres participants étaient parfois sauvage, avec des insultes des uns envers les autres, et de tous envers Poutine. On le verra voir dans une des deux passages que je vais montrer.

Alors en considérant ces circonstances vous comprenez pourquoi le président Poutine a decidé de ne pas participer dans les débats. Il a fait son message éléctoral télévisé lors de son discours annuel sur le statut de la nation devant les deux chambres du parlement russe le 1 mars.  .

Une critique de l’OSCE était la domination par Poutine des ondes publiques jour après jour avec le reportage de ses activités en qualité de président.  C’est une critique juste si on oublie le fait que M. Poutine est un des Chefs d’Etat plus actifs et conséquents du monde qui est toujours en rencontres avec ses pairs internationaux et en visite partout dans le pays.

L’autre critique de l’OSCE, c’est que la liberté d’expression ne doit pas être une chose réservée aux éléctions, mais doit se faire toute l’année.  Aussi une remarque juste.  Et nous pouvons discuter de cette question à la fin de mon discours.

 

Nous allons maintenant regarder deux passages de vidéo de mars 2018

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Débat sur Pervy Kanal

 

https://www.youtube.com/watch?v=u4mDLSec66o

 

13.03.2018   –  5 jours avant le scrutin du 18 mars

 

00.00 – 01.15

 

Débat sur Rossiya-1

Zhirinovsky insulte Sobchak – cette prostituée – et elle répond en jetant sa verre de l’eau sur le visage de son adversaire.  Regardez qui est le modérateur – notre Soloviov

 

https://www.youtube.com/watch?v=6rmP_S7QZho

00.00 – 01.00

 

 

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La troisième période de mes observations sur le degré de liberté d’expression sur la télévision russe c’est aujourd’hui. Les aspects négatifs sont celles que j’ai déjà mentionné lors de mes premiers remarques ce soir: la concentration d’attention dans la programmation vers les préparatifs pour une guerre, et la thématique de l’Ukraine comme l’état en faillite, vu comme un voisin très dangereux dirigé contre la Russie par les Etats-Unis et la Union Européenne. Jour après jour les mêmes panélistes adressent les mêmes questions. Au-delà du fait que c’est ennuyeux, c’est aussi une forme de propagande.

Mais la situation est loin d’être sans espoir.  Les talk shows ne se prennent pas toujours au sérieux. Au contraire, ils montrent de temps en temps un bon sens de l’humour comme je vais vous montrer dans deux minutes. Et du fait qu’ils existent permet de donner au téléspectateur russe des points de vue sophistiqués et raisonnés. Ils peuvent écouter les meilleurs academiciens américains qui ne sont pas ni méchants, ni amis, ni propagandistes. Je parle maintenant du show “Le Grand Jeu” (The Great Game) présenté cojointement d’un coté à Moscou par Vyacheslav Nikonov, le petit fils de Molotov, membre du parti de pouvoir la Russie Unie et parlementaire dans le Duma et de l’autre coté à Washington par Dimitri Simes, l’ancien collaborateur de Richard Nixon, longtemps président du Nixon Center, maintenant renommé le Centre de l’Interêt National (Center for the National Interest).

Maintenant nous allons regarder passages des ces deux tendances qu’on peut considérer comme positives.

Video clips:

Sixty Minutes, Rossiya-1   24 mai 2019    édition du soir.   Yevgeny Popov, Olga Skabeeva

00.40 – 2.00

00.40 – 2.00

Le sujet – le nouvel président de l’Ukraine, M. Zelensky. Dans une émission de son Reality Show avant son élection, il a promis de se promener nu si le taux d’échange de la monnaie ukrainien baissait.

Note – Popov est le protégé du chef de toute programmation “actualités” de la télévision étatique russe, Dmitry Kiselyov

 

 

Bolshaya Igra

22.05.2019   Nikonov dans le studio – on montre l’image de Simes sur un grand écran – émission directe depuis Washington

Le sujet, l’Ukraine et les nouvels membres d’administration de Zelensky – ses anciens amis dans les Reality Shows

https://www.youtube.com/watch?v=1YvWtEikVGE

00.00 – 01.00

 

En conclusion, je me démande pourquoi la télévision russe est pour le moment moins libre, plus patriotique que par le passé.

A mon avis, c’est une question de conjoncture internationale, de la forte pression que nous, Occidentaux, appliquons contre le Kremlin, contre les Russes et son économie. Après cinq ans de sanctions, après l’annulation des conventions pour limiter les armes stratégiques nucléaires, tout cela finalement donne un effet sur Poutine et son entourage.

Je souviens bien les discussions en Amérique, en Allemagne lors de la première Guerre Froide, en particulier lors de la présidence de Richard Nixon et le lancement de la politique de Détente,  lors du lancement de la Entspannungspolitik du chancelier allemand Willy Brandt.  Les défenseurs de la détente disaient que le résultat de la pression contre l’Union Soviétique au nom de défense des droits de l’homme était toujours la dimunition de la liberté et non pas l’augmentation de liberté pour les russes.

C’est avec cette pensée que j’ouvre la conférence à vos commentaires et questions.